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Villas et jardins d’Italie

   
Auteur : Edith Wharton
Editeur : Tallandier, collection « Texto »
Date de dépôt : mai 2009

Edith Wharton (1862-1937), célèbre romancière américaine ayant notamment vécu à New York (Etats-Unis), à Paris, à Florence (Italie) et en Allemagne, avait un véritable goût pour l'aventure et les voyages. Appréciant la France, elle a résidé notamment de 1927 à 1937 au Castel Sainte-Claire* à Hyères-les-Palmiers (Var), dont le jardin lui doit beaucoup, et est décédée à Saint-Brice-sous-Forêt (Val-d’Oise). Côtoyant Henry James, Theodore Roosevelt, Anna de Noailles, André Gide ou Jean Cocteau, cette francophile était une femme libre de la Belle époque. Son écrit le plus réputé est incontestablement « Le temps de l'innocence » (1920), primé par le prix Pulitzer en 1921 et porté à l’écran en 1993 par Martin Scorsese avec dans les principaux rôles Daniel Day-Lewis, Michelle Pfeiffer et Winona Ryder.

Elle est connue dans le monde des jardins pour avoir écrit des articles sur les jardins italiens pour une commande du « Century magazine » par accompagner des aquarelles de Maxfield Parrish (1870-1966), réunis en 1904 dans le livre « Villas et jardins d’Italie » déjà réédité en 1986 (première édition française) chez Gérard-Julien Salvy, sur une idée du créateur de jardins Madison Cox et illustré avec justement les aquarelles de Maxfield Parrish. Ce livre fondateur pour les critiques et paysagistes et devenu rapidement un « must » pour les touristes découvrant l’Italie, est aujourd’hui réédité en format de poche chez Tallandier, dans la collection « Texto » au sein de laquelle est déjà parue « Mémoires suivis de Manière de montrer les jardins de Versailles » de Louis XIV en 2007. Cette version n’est pas illustrée mais propose le texte intégral et à un prix des plus raisonnables. Au sommaire, sont présentées les plus célèbres villas florentines, siennoises, romaines, génoises, lombardes et vénitiennes qu’elle a visitées durant quatre mois. Le style romanesque d’Edith Wharton est présent dans ces textes d’une grande pertinence. Erudite, elle s’appuie sur des textes italiens, français, allemands et bien sûr anglais. Ainsi, elle cite des auteurs comme Michel de Montaigne [« Journal du voyage en Italie par la Suisse et l’Allemagne » (1580-1581)], John Evelyn [« Diary (1644)], Percier et Fontaine [« Choix des plus célèbres maisons de plaisance de Rome et des environs » (1809)], Josef Durm [« Die Baustile : Die Baukunst der Renaissance in Italien » (1903)]… Le travail du paysagiste anglais Capability Brown (1716-1783) ou les écrits de Pline le Jeune sont aussi au nombre de ses références. Elle fait allusion à d’autres jardins et notamment en France comme ceux de Vaux-le-Vicomte* à Maincy (Seine-et-Marne), le domaine de Versailles et le petit Trianon* (Yvelines), cher à Marie-Antoinette.

Ces textes, tout en étant descriptifs, font de réguliers rappels à l’histoire de l’art des jardins jusqu’à la Renaissance italienne dans lesquels l’architecte devait systématiquement prendre en compte trois relations prépondérantes du jardin, par rapport à la villa, aux exigences des occupants et enfin au paysage. Edith Wharton porte des jugements judicieux en comparant les différentes époques et regrette par exemple que les Anglais aient introduit en sol toscan le gazon et les arbres à feuilles caduques. Elle produit donc une analyse pertinente des plus intéressantes, en s’attachant à lire et à décrire les plans de composition des jardins visités en y décelant et commentant les modifications au cours du temps. Elle déplore par exemple que les paysagistes modernes de son époque, contrairement aux vieux jardiniers, n’aient pas été sensibles à la valeur accordée à la distribution des lieux, en fondant à tort les différentes parties du jardin en une seule. Elle a peu d’estime également pour les parcs à la française qu’elle considère « plats et artificiels ». Aux « terribles transformations et violentes énergies qu’il fallut mettre en œuvre pour obtenir le moindre effet », elle préfère « le grand talent du jardinier italien » pour « reconnaître les qualités naturelles des superbes paysages environnants et de les intégrer à son projet avec un art qui tenait à se faire oublier. ». Pour elle, les jardins italiens comportent trois éléments primordiaux : marbre, eau et verdure persistante. Elle considère qu’en ce pays s’exerce une véritable « magie des jardins ». L’architecture italienne est pertinemment analysée tel le travail du Bernin qui pour la romancière « fut, en effet, le premier à exprimer dans ses fontaines les lignes frémissantes et serpentines de l’eau vive et à faire vibrer ses sculptures de ce bruissement du plein air que le peintre moderne cherche à rendre dans ses paysages. ». En parlant des architectes italiens, elle ajoute « il y a chez eux un sens si raffiné des proportions, une perception si délicate des rapports entre architecture et paysage, entre marbre et verdure, qu’il suffit d’un fragment pour évoquer le charme de l’ensemble. ».

Les jardins qu’elle décrit sont, parmi d’autres, le jardin de la villa Gamberaia à Settignano et le jardin de la villa Capponi à Arcetri pour la Toscane. A Rome, elle passe en revue les jardins du Vatican, mais aussi le parc de la villa Borghese, les jardins du palais Farnèse à Caprarola et le jardin de la villa Aldobrandini à Frascati. A Gênes, elle visite les jardins de la villa Pallavicino « des Bassins », grande réalisation de Galeazzo Alessi. Les écrits de la romancière ne pouvaient passer sous silence les jardins des îles Borromées : Isola Madre et Isola Bella. En Vénétie, elle n’a bien sûr pas manqué de parler du jardin botanique de l’Université de Padoue classé au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO et de l’exceptionnelle Prato della Valle, toujours à Padoue. Un autre site est recommandé pour une visite : le parc de la villa Pisani à Stra.

Edith Wharton voit aussi dans les jardins de Boboli à Florence, l’un des rares exemples toscans de parc Renaissance qu’elle ait visités qui n’ait pas alors été altéré. Ses textes vivants et descriptifs permettent de comprendre l’ambiance qu’elle a ressentie à l’instar de sa description du jardin de la villa d'Este à Tivoli : « Les eaux de l’Anio ont été amenées au sommet de la colline au prix d’efforts et de dépenses incalculables et des centaines de ruisselets glissent de terrasse en terrasse, s’écoulant dans les rainures des balustrades de pierre, bondissant de marche en marche, gouttant dans des conques moussues, jaillissant des cornes de dieux marins et des mâchoires de monstres mythiques ou encore s’enflant en un flot irrépressible, qui déborde des rives tapissées de lierre. ». Elle ajoute même que « Celui qui s’intéresse à l’art des jardins trouvera toujours à se ressourcer dans l’étude de cette villa, pourtant si célèbre. ». En parlant de celui de la villa Lante à Bagnaia. Elle ne tarit pas d’éloge non plus pour les jardins de la villa Pliniana à Torno.

Outre les jardins, les villas italiennes sont analysées comme celles dues à Andrea Palladio parmi lesquelles la Rotonda à Vicence (classée au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO) ou encore la villa Giacomelli à Maser. Dans toutes les descriptions se retrouvent des éléments traditionnels comme bassins, bosco, fontaines, giardino segreto, grottes ornées, statues, surprises et mécaniques aquatiques, terrasses, théâtre de plein air, vases en terre cuite, et même des labyrinthes. Il est aussi à noter que dans le texte original (traduit de l’anglais par Michèle Hechter) figurent des noms propres au vocabulaire jardin, écrits en français comme berceau, broderie, bosquets, colonnes torses, jeux d’eau, parterres de broderie, ronds-points, tapis vert, théâtre d’eau… La végétation est aussi finement analysée, composée de buis, chênes verts, camélias, citronniers, cyprès, grenadiers, hêtres, ifs, lauriers, myrtes, orangers pins parasols, platanes, rosiers, avec des considérations phytogéographiques d’Edith Wharton. Cette dernière a été témoin d’une évolution, d’un passage à une autre époque, dans un siècle en mutation, dans lequel les jardins ont beaucoup perdu de leur faste originel et dont les villas privées sont devenues des hôtels, hôtels de ville et leurs jardins sont désormais publics voire ont disparu ou ne sont visibles qu’au prix de conditions d’accès parfois difficiles. Ces textes constituent donc une exceptionnelle vision critique et analytique des jardins italiens par une connaisseuse au début du XXe siècle, permettant de mieux les comprendre. Comme elle le dit elle-même, « l’amateur ne devrait pas se contenter d’une vague fascination pour les jardins d’Italie, mais tenter plutôt d’en extraire quelques règles utilisables chez lui. ». Le tour d’Italie d’Edith Wharton est donc une immersion dans le monde de l’art des jardins italiens. Un siècle plus tard, les propos sont toujours d’actualité à leur sujet.

En fin d’ouvrage, une biographie des architectes et jardiniers permet de se familiariser avec cet univers artistique qui va de Galeazzo Alessi (1512-1572) jusqu’à Giacomo Barozzi da Vignole (1507-1573), en passant par Le Bernin (1598-1680), André Le Nôtre (1613-1700), Pirro Ligorio (1493-1580), Michel-Ange (1475-1564), Andrea Palladio (1508-1580), Humphrey Repton (1752-1818).

En quelques pages, Edith Wharton vante la culture italienne des jardins et de l’architecture. Ces écrits sont incontestablement un texte essentiel de l’histoire l’art des jardins dont la lecture est recommandée. Ces jardins sont toujours à apprécier de nos jours où à découvrir au sein du bel hommage que lui a rendu l’auteur et photographe Vivian Russell en 1998 dans son ouvrage « Jardins d'Italie d'Edith Wharton » (Albin Michel), encore disponible dans certaines librairies et alliant la photographie des jardins de nos jours au texte d’Edith Wharton.

* Plus d’informations

Pour en savoir davantage sur les jardins cités dans cette notice, il suffit d’un simple clic sur les liens suivants :

Jardin du Castel Sainte-Claire

Jardins de Vaux-le-Vicomte

Domaine de Versailles et de Trianon



© Conservatoire des Jardins et Paysages / juillet 2009

 
160 pages - 8.00 €
     
   
   
   
 
   
 
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