Jour après jour les plantes

Récemment primées première maison d’édition française certifiée ISO 14 001, les éditions Plume de carotte, sont spécialisées dans les publications ethnobotaniques et la rencontre des plantes et des hommes. Avec ce livre, elles invitent à découvrir la croissance des plantes image par image. Les photographies, au nombre de 2000, sont dues au Japonais Ciabou Hany. Depuis 1968, il photographie les plantes dans sa ville natale de Notsu et sur la péninsule Kunisaki (Japon). Il est un professionnel de la nature qui a créé en 1951 à l’université de l’agriculture de Tokyo, un centre de recherches sur les plantes du désert. Ce membre de l’association japonaise des photographes a même participé à la création d’un parc de Cactus à Ito. C’est dire si la nature est importante pour lui, au point de passer davantage de temps avec les plantes qu’avec les humains. Son travail dans ce livre permet de mieux comprendre la croissance et donc la vie végétale. Son objectif permet de découvrir les plantes et leur rythme végétatif, mois par mois, depuis avril, mois du réveil de la nature, jusqu’à mars. Les gros plans permettent d’apprécier une multitude de détails depuis la goutte de rosée jusqu’aux grains de pollen, en passant par des gros plans d’étamines, de graines germées, d’épines… Chaque mois débute par un calendrier où jour après jour le photographe fait part de ses observations de la nature au Japon, mais beaucoup des plantes qu’il observe poussent sous notre climat. Là-bas, les fleurs des elfes s’ouvrent le 11 avril, celles de la clématite étalée le 16 mai, la récolte du blé débute le 6 juin, les fruits du Ginkgo jaunissent le 26 octobre, la pousse des boutons de narcisse démarre le 19 décembre, la floraison des pétasites a lieu le 25 février lorsque les petits faisans verts viennent jouer dans le jardin du photographe… Si de nombreuses pages montrent l’évolution d’une plante heure par heure voire par jour ou par mois, l’ensemble des photographies est surtout la retranscription d’un regard attentionné sur la nature, sa vie, ses couleurs, ses formes et sa force. Les prises de vues en couleurs montrent les graines germant, les feuilles se dépliant, le pollen s’envolant, les insectes butinant, les frondes des fougères se déroulant, les champignons explosant, les fleurs s’ouvrant, les lianes s’enroulant soit dans le sens des aiguilles d’une montre soit dans le sens contraire… L’auteur s’est appliqué à suivre sur une année la vie d’un cerisier en 12 étapes, à raison d’une photographie par mois, mais aussi une Drosera se refermant sur sa proie (une mouche), le mouvement du tournesol vers le soleil (en réalité celui de sa tige avant l’éclosion de la fleur), les journées de la comméline ou d’une onagre, le repliement d’une feuille de sensitive après avoir été touchée, la fleur de Physalis formant son fruit d’amour en cage… Les couleurs sont fidèlement restituées comme les fruits colorés des houx, viornes, fusains, callicarpas, salsepareilles… Ces coloris sont intenses à l’instar des fleurs d’ipomée, des étamines de pastèque ou des feuilles de Drosera. Les photographies au fil des mois proposent un véritable festival de couleurs avec le noir des fruits du troène, le marron des glands des chênes asiatiques, le rouge des feuilles d’osmanthe, le rose des fleurs de pêcher, l’orange des clémentines, le jaune du pissenlit, le vert des frondes de fougères, le bleu des pétales de la véronique, le violet des grappes de glycine ou le blanc de la fleur d’actinidia. Côtés formes, les clichés mettent en valeur celles des bourgeons, écorces, baies, graines, racines, tiges, feuilles… Certaines sont amusantes comme la nouvelle pousse du pin noir ressemblant à une lanterne en osier ou le fruit d’un géranium de Caroline ressemblant réellement à un bec de grue, ou le bourgeon d’un robinier faux acacia à une tête de diablotin. La nature est vivante et sa force est retranscrite à travers l’observation de certaines plantes, qui tels des haltérophiles, parviennent à soulever une pierre afin de croître en pleine lumière, sans oublier la rapidité de pousse des vrilles de la courge éponge pour s’enrouler autour d’un support ou encore l’éjection des graines de la violette. Les graines ont justement aussi été observées suivant leur mode de propagation : anémophiles, tombantes, collantes… Au-delà de ces aspects techniques, Ciabou Hany fait preuve de poésie avec des photographies tournées vers d’autres aspects de la nature à l’instar de l’amusante rencontre en tête-à-tête d’un escargot et d’une petite grenouille sur la feuille d’un hortensia, d’une autre grenouille voguant sur une feuille de chêne, mais aussi des photographies de nuages, de givre, de neige… Parmi les nombreuses plantes photographiées figurent notamment amandier, anémone de Caen, bambou, chèvrefeuille, hémérocalle, iris sanguin, iris de Sibérie, lotus sacré, magnolia, orchidée héron, spiranthe de Chine, tournesol et volubilis. La faune n’est pas oubliée avec entre autres coccinelle, libellule, morosphynx, machaon, punaise, rouge-queue aurore. Le photographe s’applique aussi à effectuer des comparaisons : entre la vision des fleurs par les hommes (lumière naturelle) et les insectes (ultraviolets), entre les fleurs et les fruits, entre différentes formes de tiges (coupées horizontalement), entre bourgeons, entre motifs d’écorces, entre galles et tumeurs variées… Ce travail, remarquable témoignage d’un regard curieux et attentif, est donc à la fois esthétique et scientifique. Le visuel et surtout le principe d’image par image permettent de mieux comprendre le fonctionnement du calendrier horticole, mais surtout la vie de et dans la nature.

Ce livre a reçu pour son sérieux et sa rigueur scientifique, le 6 juin 2009, le « Prix Pierre Joseph Redouté 2009 »*.

* Pour en savoir davantage sur ce prix décerné dans le cadre du parc du château du Lude (Sarthe), il suffit d'un simple clic sur le lien suivant :

Parc du château du Lude