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Jardins, réflexions sur la condition humaine

   
Auteur : Robert Harrison
Editeur : Le pommier
Date de dépôt : octobre 2007

« Le jardin serait-il un objet philosophique ? ». C'est à cette question que tente de répondre ce livre. Robert Harrison, directeur de l’université de Stanford (Californie, Etats-Unis), enseigne au département de littératures française et italienne. Il s’attache à apporter une réponse à cette interrogation en se basant sur ses lectures, expériences et visites de jardins afin de mieux définir le rapport de l’homme à la nature et à la culture. Dans cette démarche, il traverse certaines grandes œuvres littéraires, artistiques, religieuses (textes sacrés), poétiques et philosophiques pour en élaborer ses réflexions. En fait, ce livre est issu d’une étude commandée en 2002 sur les jardins dans l’imagination occidentale, pour le catalogue d’une exposition itinérante de photographies par des artistes contemporains paru en 2004. Le jardin est en effet indissociable de notre culture autant religieuse que littéraire. Les épisodes de la Bible et du Coran le montrent bien, mais plus généralement, depuis l’Antiquité, le jardin fait partie de nos références ancestrales et traditionnelles que la littérature emploie régulièrement et toujours comme dans « Les affinités électives » (1809) de Johann Wolfgang von Goethe ou encore « Le jardin des Finzi-Contini » de Giorgio Bassani. Les auteurs auxquels l’universitaire fait référence se nomment, parmi beaucoup d’autres, Homère, Epicure, Dante, Boccace, Voltaire, Marcel Proust, Stéphane Mallarmé, Rainer Maria Rilke, Pablo Neruda, Karel Capek, Albert Camus, Edith Wharton, Jean-Paul Sartre, Marcel Pagnol et Michel Tournier. Au-delà de ces références littéraires, Robert Harrison base son propos sur ses démarches personnelles et notamment sur le jardin de Kingscote à l’université de Stanford où il aime se réfugier et qu’il considère un peu comme « son jardin à lui ». Il n’y a que peu d’archives sur ce site y compris dans l’histoire de Stanford mais Robert Harrison lui rend ici en quelques pages hommage et notamment avec l’illustration de la couverture de ce livre. Il fait en ce lieu l’amer constat que ses étudiants, obnubilés par les écrans d’ordinateur et prisonniers de la toile d'Internet, ne savent plus regarder et en parallèle constate combien est importante la floraison d’un jacaranda lors de la remise des diplômes. Regards et saisons sont donc des notions importantes du jardin, tout comme la clôture. Autre notion capitale, l’origine du mot jardin et sa signification notamment en arabe, où « aljannah » signifie à la fois « jardin » et « cachette ». Sa dimension est aussi traitée, qu’il s’agisse d’un parc ou simplement réduit à l’expression de petits vases comme les « jardins d’Adonis » cités par Socrate. A travers ses réflexions ou celles des personnages des œuvres auxquelles il se réfère, plusieurs jardins sont au cœur de cet essai à l’instar du Ryôan-ji à Kyôto (Japon), des jardins paysagers de Stowe à Buckingham (Angleterre), du jardin paysager de Stourhead à Warminster (Angleterre), du jardin du Luxembourg* (Paris), sans oublier le domaine de Versailles* (Yvelines), lieu de la domination totale de la nature. L’auteur consacre à ce dernier un chapitre entier dans lequel il voit un site trouvant son origine dans le vice et plus particulièrement l’envie [jalousie par rapport à la magnificence de jardins de Vaux-le-Vicomte* à Maincy (Seine-et-Marne)] et l’orgueil qui ont animé le Roi Soleil dans cette création. Eden et Paradis, décrits différemment selon les civilisations, sont évidemment au cœur des propos de l’auteur ainsi que d’autres jardins moins réputés comme les jardins monastiques, les jardins communautaires de New York et autres jardins populaires sans oublier les jardins publics et les privés. De son analyse, Robert Harrison dresse des constats. La notion de temps est primordiale, considérant qu’à de rares exceptions près, un jardin n’est pas fait pour immortaliser son créateur. D’ailleurs, comme il le dit, « Les jardins, tout au contraire, immergés dans le temps et l’incertitude, affrontent les caprices du sol, du ciel et des éléments. Ils savent à leur manière ralentir le temps – transforment son ruissellement en calmes pièces d’eau – mais ce faisant, ils font la preuve de leurs pouvoirs magiques, non de leur éternité. ». Le temps est aussi abordé sous l’aspect des touristes avec le regret qu’au cours de leurs visites rapides « il est difficile, voire impossible, d’éprouver la profondeur spirituelle de ces jardins et de les percevoir comme il faudrait. ». Sur le plan de l’entretien, il reprend les propos du maître-jardinier japonais du roman « Les météores » (1975) de Michel Tournier : « L’homme doit être là. Les plantes ne s’épanouissent bien que sous son regard aimant. Si, pour une raison quelconque, l’homme quitte sa demeure, le jardin dépérit, la maison tombe en ruine. ». Il est vrai par ailleurs que l’entretien d’un jardin est révélateur de l’état d’âme de son propriétaire. Sur le plan historique et de la civilisation, il considère qu’« une histoire sans jardins est une terre dévastée ». L’idée du regard est aussi développée tant le jardin favorise la « perception de la profondeur » et permet de réapprendre l’art du regard. Le jardin est aussi une métaphore tantôt employée pour désigner le mariage et bien plus souvent encore la Terre que nous devons cultiver et respecter, comme les tendances et doctrines éco-responsables actuelles tentent de nous le rappeler.

Plusieurs extraits de textes et poésies illustrent tout au long du livre les idées défendues par Robert Harrison. En dernière partie, quatre annexes complètent le propos : extraits du « Décaméron » de Boccace, de « Palomar » d’Italo Calvino, « Le jardin » d’Andrew Marvell et un texte sur les tapis-jardins islamiques. Des notes complémentaires permettent d’approfondir le sujet par des indications bibliographiques se rapportant aux 15 chapitres du livre ainsi que l’importante liste de tous les ouvrages cités. Avec cette analyse philosophique, Robert Harrison montre à quel point le thème des jardins permet pleinement d’analyser la condition humaine car, comme le dit si bien Voltaire dans Candide « Il faut cultiver notre jardin. ».

* Plus d’informations

Pour en savoir davantage sur les jardins cités dans cette notice, il suffit d’un simple clic sur les liens suivants :

Jardin du Luxembourg

Domaine de Versailles et de Trianon

Jardins de Vaux-le-Vicomte



© Conservatoire des Jardins et Paysages / août 2008

 
320 pages - 23.00 €
     
   
   
   
 
   
 
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