Les jardins de Brécy, le paradis retrouvé

Considérés comme « un petit Versailles perdu à travers les champs » selon un journaliste dans un article du 3 juin 1903 dans « L’éclair », les jardins de Brécy* à Saint-Gabriel-Brécy (Calvados) sont situés entre la plaine de Caen et le Bessin au cœur du bocage de Normandie. Aucune monographie ne les avait encore jamais traités. Eric T. Askell, Américain passionné de jardins français, s’est attaché à combler ce manque en retraçant l’histoire des lieux au fil d’un livre richement illustré de photographies en couleurs. Si peu d’archives restent précises sur leur création ou l’identité de leur concepteur, il s’avère que ces jardins ont été dessinés dans la seconde moitié du XVII^e siècle dans un tracé toujours visible de nos jours. Les idées reçues quant à la conception due à François Mansart et à la simultanéité de construction entre le château et les jardins sont aujourd’hui oubliées. Abandonnés au début du XX^e siècle, les jardins ont déjà repris vie à partir de 1955 grâce à l’écrivain, membre de l’Académie française, Jacques de Lacretelle. Depuis 1992, les actuels propriétaires, Didier et Barbara Wirth, se sont lancé dans l’entreprise d’un vaste programme de restauration et de préservation concernant autant le château que les jardins avec grand raffinement. Ce couple a permis à Brécy de retrouver une vie et une cohérence. Barbara Wirth est « la » jardinière des lieux. Quant à Didier, il est le président du Comité des parcs et jardins de France. C’est dire si ces jardins sont choyés entre les mains de véritables passionnés.

Dissimulés dans un vallon, après avoir passé le portail monumental d'ordre ionique au décor sculpté raffiné et la cour d'entrée, les cinq niveaux de jardins et leurs quatre terrasses se découvrent au dernier moment, constituant ainsi pour le visiteur une véritable surprise. Le qualificatif d’hortus conclusus s’applique donc pleinement à ceux-ci. Chacun peut admirer les balustrades à feuilles d’acanthe, les buis et ifs taillés, les onze escaliers de pierre, les bacs à orangerie de couleur bleue ou encore les « fontaines-artichauts » de la troisième terrasse et surtout une admirable scénographie. Le point d’orgue en est la perspective à travers la grille en fer forgé finement ciselée d'Isaac Geslin (XVII^e siècle) se poursuivant au fil du tapis vert en direction de l’infini. Quant à la palette végétale, elle comporte outre les broderies de buis et les ifs taillés, des charmes, des rosiers ‘Madame Alfred Carrière’, du thym, de l’estragon, du romarin, des pivoines arbustives, des Hydrangea, des Romneya coulteri, des iris, des clématites, des cardons, des glycines, des tulipes…

Tous les éléments du site sont présentés au fil des pages et sont localisés sur le plan des jardins reproduits dans les deux rabats des couvertures. Il est alors aisé de comprendre la composition des lieux et de retrouver les emplacements de l'allée des hêtres, l’esplanade « tilleul », le jardin d'herbes, le puits du XVI^e siècle, le parterre de broderie (d'après Claude Mollet), le jardin bleu, la petite chartreuse, la terrasse des berceaux, les topiaires, l’escalier aux lions bicéphales (XVII^e siècle), la terrasse des bassins, les framboisiers, la pépinière de buis, la terrasse des pavillons, le potager, la terrasse des fontaines, la grande perspective sud-est, l’église Sainte-Anne (XIV^e siècle), le jardin de roses, la source et la serre privée. Le sous-titre de « paradis retrouvé » pour cet ouvrage souligne combien, grâce aux travaux et ajouts successifs des Lacretelle et Wirth, Brécy a pu retrouver une qualité disparue depuis longtemps, le faisant compter au rang des grands jardins de notre patrimoine, même s’il n’occupe qu’un hectare. Rien d’étonnant donc à ce que ces jardins soient aujourd’hui détenteurs du label « jardin remarquable », décerné par le Ministère de la culture et de la communication sur des critères de composition, d’intégration dans le site, de qualité des abords, d’intérêts botanique et historique, d’entretien et de gestion.

* Plus d’informations

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Jardins de Brécy