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Les jardins monastiques à l’époque moderne

   
Auteur : Dom Thierry Barbeau
Editeur : ITF, collection « Bibliotheca Vincentiana »
Date de dépôt : mai 2007

La dimension religieuse des jardins est absente de beaucoup d’ouvrages récents. Exception faite de l’iconographie moyenâgeuse, au demeurant assez stéréotypée, les jardins d’établissements religieux, bien que très nombreux, sont encore assez méconnus dans leur typologie et organisation. Cependant ils ont occupé un rôle considérable dans leur histoire et ont marqué le tissu urbain de bien des villes. Hélas, ils ont au fil du temps été sacrifiés ou ont changé d’affectation. Ces jardins religieux ont d’ailleurs une typologie en fonction des ordres religieux et des aspects différents à l’instar des jardins des chartreux, des jardins du Calvaire, de ceux d’expiation ou bien encore des cloîtres. En Europe notamment, deux sites sont très marqués dans leur concept par la force religieuse : le jardin de l’ancien monastère de Tibães à Braga (Portugal) et aussi les jardins de l’abbaye de Kuks (République tchèque). Ailleurs et notamment en France, de nombreux lieux, s’ils ont été effacés de nos mémoires, ont laissé des traces réelles toujours visibles. Cette étude préfacée par Monique Mosser, historienne de l’architecture des jardins, responsable du master « Jardins historiques, patrimoine et paysages » à l’Ecole nationale d’architecture de Versailles (Yvelines), permet de revenir sur cette histoire passionnante. Son auteur est bien placé pour traiter le sujet puisque Dom Thierry Barbeau est un moine bénédictin de l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes. Pour mieux comprendre l'organisation, le fonctionnement et leur justification, l'auteur part à la recherche des jardins perdus. Cette recherche se fait sous les auspices d'Hortésie, cette intendante des jardins imaginée aux côtés des fées de la peinture, de l’architecture et de la poésie par Jean de La Fontaine dans son « Songe de Vaux » (1659-1661), élevant ainsi les jardins au rang des arts.

A l'appui de plans [dont le réputé plan carolingien du IXe siècle du jardin de l'abbaye de Saint-Gall (Suisse)], de gravures, de perspectives (dont un très beau dessin d'Achille Duchêne représentant l'abbaye Saint-Pierre de Jumièges), d’autres cartes d'époque et de photographies anciennes et récentes, ce livre s'attache à un sujet encore inédit, l'histoire des jardins mauristes. En effet, la congrégation de Saint-Maur laisse un patrimoine architectural dans de nombreuses villes françaises, mais ses jardins ont pour la plupart disparu. Pour mémoire, Saint-Maur, introducteur du monachisme bénédictin en Gaule, est donc le disciple de Saint-Benoît de Nursie (vers 480 – vers 547), fondateur de l’ordre bénédictin. En France, par exemple, l’abbaye Notre-Dame d'Evron (Mayenne) possède toujours un jardin mais ayant perdu sa vocation originelle de potager.

L’auteur revient au fil de cet ouvrage sur de tels jardins disparus. Il traite de la tradition, de la modernité et du travail des moines au jardin notamment à l'appui des règles du jardinier et fruitier de la congrégation de Saint-Maur (1663) dans lesquelles il est défini que le jardinier se doit d’avoir « soin des jardins et vergers, de semer, planter, cultiver, recueillir & conserver les herbages, les légumes, les racines & autres fruits : de s’instruire & informer avec soin de tout ce qui est nécessaire pour ce sujet, tant par la lecture des livres du Théâtre de l’Agriculture & du jardinier françois, que par l’expérience & l’usage du climat & l’instruction de ceux qui ont l’un & l’autre. ». Le jardin est donc bien une composante essentielle de l’espace monastique et de la vie des moines. A chaque chapitre, d’ailleurs, une rubrique « Pour aller plus loin... » permet de revenir en détails sur des textes, des évènements et des exemples plus particuliers de jardins. Ainsi, est présenté le chapitre 48e de la règle de Saint-Benoît vantant les vertus du travail manuel, l’oisiveté étant l’ennemie de l’âme. Le « jardin idéal » selon Joachim Carvallo (qui considère que la notion architecturale d’ordre dans la maison est issue des bénédictins) et les règles communes et particulières pour la congrégation de Saint-Maur sont d’autres références sélectionnées. L’auteur revient aussi sur les travaux des jardins en 1755-1758 au prieuré de Tuffé (Sarthe), tout en souhaitant les voir aujourd’hui réhabilités. Au fil de l’ouvrage, plusieurs sites caractéristiques étayent le propos et servent d’exemples comme deux abbayes du Mans (Sarthe) : Saint-Vincent et Saint-Pierre de la Couture, cette dernière étant devenue la préfecture. Autres sites réputés, les jardins de l’abbaye aux Hommes [aujourd’hui Hôtel de ville de Caen (Calvados)], présentés dans le livre « Jardins caennais en liberté » d’Annie Fettu, également figurant au sein de cette même rubrique Internet, les cloîtres de la basilique de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) ou de l’église du Val de Grâce (Paris). Un site très emblématique est au demeurant l'abbaye Saint-Georges à Saint-Martin-de-Boscherville (Seine-Maritime), dont les jardins ont été restitués avec réussite à partir de 1992 dans l’esprit du XVIIe siècle tels que les avaient imaginés les moines mauristes ; ils sont à découvrir pour leurs 80 espèces de plantes médicinales et leurs vergers aux variétés fruitières aux tailles et formes différentes. En fait, le jardin monastique se situe entre tradition et modernité et a subi les évolutions de l’art en passant par la Renaissance, les jardins dits « à la française » et font maintenant l’objet de réhabilitations privilégiant telle ou telle autre époque. Le potager du château de Villandry* à Joué-les-Tours (Indre-et-Loire) reflète assez exactement l’aspect d’un jardin monastique du XVIIe siècle. Le Thabor* à Rennes (Ille-et-Vilaine) estdevenu un jardin public, d’abord réservé aux hommes, mais est issu d’un verger dépendant de l’abbaye Sainte-Mélaine. L’abbaye Notre-Dame-du-Bec au Bec-Hellouin (Eure) dont les jardins ont disparu entre 1742 et 1750 avec la reconstruction du grand bâtiment, ont bénéficié en 1991 de l’apparition d’un projet de restauration.

L’histoire du jardin monastique passe aussi par l’intervention de paysagistes réputés comme Achille Duchêne pour le parc de l’abbaye de Royaumont à Asnières-sur-Oise (Val-d’Oise) et celui de l’abbaye de Jumièges (Seine-Maritime) ou encore André Vera (1881-1971) qui conseilla Dom Le Corre pour la conception du grand jardin de l’abbaye Saint-Pierre de Solesme (Sarthe). A ce titre l’iconographie met en corrélation ce projet avec celui des frères Paul et André Vera pour leur jardin personnel de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines).

Dans la conclusion de cet ouvrage, l’auteur porte une réflexion sur quelques jardins monastiques contemporains et notamment sur le parterre de broderies et le « jardin français » de l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes, ainsi que sur le jardin de l’Octogone, créé en 2001 à l’abbaye Saint-Wandrille de Fontenelle à Saint-Wandrille-Rançon (Seine-Maritime), à l’occasion du grand jubilé de l’an 2000. Toutes ces créations sont imprégnées de symbolisme, mais surtout sont propices à la méditation. Tout au fil de cette réflexion, une belle iconographie met en avant un patrimoine important et encore méconnu. En témoignent des photographies de la très belle rosace de tilleuls du parc de l’abbaye de Saint-Martin à Sées (Orne), si reconnaissable sur les photographies aériennes (se reporter pour s’en rendre compte au géoportail) ou du Potager du Roi à Versailles* (Yvelines). Des éléments de décor remarquables sont appréciables tels le cadran solaire monumental à Saint-Wandrille ou l’exceptionnel escalier à double volée à Jumièges. Enfin, pour ceux souhaitant s’imprégner davantage de l’univers de l’architecture et des jardins religieux, une bibliographie sélective propose des titres de référence parmi lesquels « Les plus excellents bastimens de France » de Jacques Androuet du Cerceau (1576-1579), « Le jardinier françois » de Nicolas de Bonnefons (1651), « La manière de cultiver les arbres fruitiers » d’Arnaud d’Andilly (1652), « Traité des arbres fruitiers » d’Henri-Louis Duhamel du Monceau (1768) et « Monasticon Gallicanum » de Dom Michel Germain d’Andilly (1871). Cette sélection est complétée par les adresses postales et Internet de plusieurs abbayes présentées au fil du récit, ainsi que de deux partenaires de notre association, la librairie « Lire au jardin » et les éditions « Connaissance et mémoires ».

* Plus d’informations

Pour en savoir davantage sur les jardins cités dans cette notice, il suffit d’un simple clic sur les liens suivants :

Parc du château de Villandry

Le Thabor



© Conservatoire des Jardins et Paysages / novembre 2007

 
100 pages - 20.00 €
     
   
   
   
 
   
 
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