Le jardin d'agronomie tropicale, de l'agriculture coloniale au développement durable

Le jardin d'Agronomie tropicale* (Paris), après des années de fermeture, commence à sortir de sa léthargie et est dorénavant ouvert au public [tous les jours du 1^er avril au 24 septembre de 9 h 30 à 20 h 00 (évacuation à 19 h 40)]. En effet, dans le cadre d'un programme scientifique renouant avec son rôle originel et une réflexion sur le développement durable et l'écologie, il reprend un aspect acceptable. Bien que situé dans la partie est du bois de Vincennes* (Paris), en limite de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne), il n'appartenait pas à la Ville de Paris mais au CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement). Depuis le rachat en 2003 d'une partie des 4,5 hectares de ce jardin méconnu, témoignant du passé colonial et scientifique de la France, il est aujourd'hui destiné à devenir plus glorieux car la Ville de Paris songe à le réhabiliter en lui donnant un nouvel essor avec des manifestations temporaires. Fondé avec l'office colonial en 1899, ce jardin est préféré pour sa mission nationale de fédérer les « jardins d'essais », au jardin Thuret* à Antibes (Alpes-Maritimes) et au parc du Grand-Blottereau* à Nantes (Loire-Atlantique). Il a pour but d'accroître les productions françaises (thé, café, cacao, vanille, banane, épices). Il accueille une première exposition coloniale en 1905, puis une seconde en 1907. Peu à peu, le jardin se spécialise dans la recherche agronomique tropicale. De ces étapes, des bâtiments alors édifiés, et pour beaucoup en mauvais état, sont devenus de petites fabriques constituant autant le charme que l'originalité du lieu. Les promeneurs d'aujourd'hui peuvent ainsi apprécier notamment la porte chinoise, le pont khmer, le pont tonkinois et ses « najas » de pierre, le temple indochinois (reconstruit en 1992) de couleur rouge, le portique indochinois avec son motif central en mosaïque bleu et or (allégorie représentant la dualité du monde et de la réconciliation des contraires yin et yang, mais aussi les huit trigrammes de la géomancie : terre, montagnes, tonnerre, ciel, vents, nuages, eaux et feu), les ruches... De son passé d'hôpital militaire durant la première guerre mondiale, ce site conserve aussi plusieurs monuments élevés à la mémoire de soldats coloniaux morts pour la France, et aussi la première mosquée de Paris. Ce livre retrace au fil de ses pages toute l'histoire de ce lieu depuis celle du bois de Vincennes (ancien parc de chasse royal), l'acclimatation et la naturalisation des plantes, les expositions coloniales, la première guerre mondiale, la période scientifique puis l'abandon, et l'intérêt porté par André Malraux dès 1963. Cet ouvrage a été écrit à trois. Deux des trois auteurs sont des spécialistes des jardins historiques : Isabelle Lévêque, historienne de l'art des jardins, membre fondateur de Polia et Dominique Pinon paysagiste DPLG conduisant des inventaires et des projets de restauration de sites et jardins anciens. Ils sont des anciens étudiants du master « Jardins historiques, patrimoine et paysages » dispensé par Monique Mosser et Janine Christiany. Le troisième auteur est Michel Griffon, ingénieur agronome, ancien directeur scientifique du CIRAD. Pour étayer leurs propos une riche iconographie retrace l'histoire de ce jardin si particulier avec de nombreuses photographies, des planches botaniques et ornithologiques, des reproductions de couvertures de revues d'époque, des cartes postales anciennes, des plans dont une reproduction d'un tirage sur fond bleu de l'architecte Etienne Barberot (1899). Des encadrés complètent ces visuels et concernent des personnages clefs comme André Thouin (1747-1824), Jean-Thadée Dybowsky (1856-1928) ou René Dumont (1904-2001). Afin de mieux comprendre le rôle d'acclimatation des plantes tropicales sous nos climats de ce jardin, les passionnés d'histoire et de botanique apprécieront en annexe une liste de 100 espèces utiles mises à disposition des colonies françaises classées par familles (acanthacées, amaryllidacées, anacardiacées...), mais aussi quelques noms communs issus de ces plantes : arbre à cordages (Acacia sp.), prunier de Madagascar (Flacourtia sp.), marmite de singe (Lecythis ollaria), bois d'azobé (Lophira alata), arbre à beurre (Pentadesma sp.), citron de mer (Ximenia americana)... Il est à remarquer un dessin au crayon de Dominique Pinon (2005) permettant de mieux comprendre l'organisation de l'espace et de retrouver ses éléments majeurs à l'instar de la porte chinoise, du pont tonkinois, de l'esplanade du Dinh, du pont khmer, du monument aux Cambodgiens et Laotiens, du pavillon de la Guyane, du pavillon de la Tunisie, de la serre du Dahomey, du pavillon de l'Indochine, du kiosque de la Réunion, de l'Ecole Nationale Supérieure d'Agronomie Coloniale (ENSAC), du pavillon du Congo (brûlé au début de l'année 2004), de la serre de 1899... Ce jardin suscite divers intérêts comme le prouvent encore de jusqu'au 31 mars 2007, « Regards croisés sur les jardins d’essais, jardin du Hamma à Alger, jardin d’Agronomie tropicale à Paris, exposition photographique de Michel Denancé » se déroulant au parc floral de Paris* et mettant en relation un jardin algérien également emblématique. Cette présentation a permis déjà d'en apprécier le charme, mais rien ne remplacera une visite sur place que ce livre ne peut qu'inciter à entreprendre pour revivre l'histoire d'un lieu encore méconnu témoignant de l'histoire de la France, mais aussi des recherches agronomiques et botaniques en plein bois de Vincennes.

* Plus d’informations

Pour en savoir davantage sur les jardins cités dans cette notice, il suffit d’un simple clic sur les liens suivants :

Jardin d'Agronomie tropicale

Bois de Vincennes

Jardin Thuret

Parc du Grand-Blottereau

Parc floral de Paris